L’improbable retour en France

A l’heure où vous allez lire cet article, nous serons déjà rentrés en terre connue, notre cher pays, la douce France. Nous voulions garder le secret de notre retour pour faire la surprise à nos enfants, familles, amis, après nos 19 mois d’aventure.

Nos dernières semaines en Bolivie ont été particulièrement riches en activités et actions comme vous avez pu le lire dans les précédents articles… mais aussi en questionnement.

1er juillet 2020. Rester ou revenir ?

Rester ou revenir ? Telle est la question…Les mois passent le confinement est toujours là, le virus Covid 19 se propage de plus belle, ici en Amérique. Le pic n’est toujours pas atteint. Plus de 4 mois de confinement en Bolivie, le temps file pourtant à vive allure. Avec le projet des masques, la distribution des colis alimentaires, les tâches à la ferme, les sorties à Cochabamba,…les journées sont courtes. Le soleil disparaît derrières les montagnes andines derrière la maison de Noemi, dans la ferme de Mollesnejta. La température chute en fin de journée, subitement de 25° à 12°. Le matin, les températures voisines 0 degré certains jours. Même le gel a sévi.

La routine, l’absence de mouvement et de rencontres, le sentiment d’être privé de liberté, Stéphane malade trois jours, l’éloignement du couple allemand avec lequel nous sommes confinés,…toutes ces moments difficiles à vivre nous ont clarifiées notre choix. Sans compter l’absence de vision, d’issue, sur les mois à venir, nous oblige à nous interroger : pourquoi rester dans ces conditions ?  Ne serions nous pas plus heureux et plus libres à retrouver nos familles, nos amis ? De plus, ces derniers commencent sérieusement à nous manquer.

Plus de 19 mois que nous sommes partis. C’était aussi la limite temporelle que nous nous étions fixée.
Quelques journées passées à lutter contre les parasites. L’éventualité de tomber malade avec des hôpitaux saturés, fermés et un système de santé fragilisé, en sous effectif et largement sous équipé…tout cela nous amène à nous dire : « Allez on rentre ! »

Mais il ne suffit pas de le vouloir, encore faut-il le pouvoir. Frontières terrestres et aériennes fermées. Circulation limitée au département. Les deux vols de rapatriement organisés par l’ambassade française depuis le début du confinement, les 28 mars et 4 avril, appartiennent déjà au passé. L’ambassade nous renvoie désormais vers des agences de voyages planifiant quelques vols humanitaires dont il faut vérifier le sérieux. Les vols commerciaux vers l’international sont suspendus.

Et Fendi dans tout ça ? Le laisser sur place et revenir d’ici la fin de l’année, lorsque les frontières ouvrent, pour le récupérer et continuer un bout de route ? Encore faut-il avoir le budget.

Mais si on le veut vraiment….on trouvera les ressources pour atteindre notre but. Détermination et autre croyance.

Nous avons finalement opté pour organiser un shipping à partir de la terre ferme. Fendi est mis dans un container directement à Cochabamba. Le container est transporté par un truck vers le port le plus proche : Arica, au Chili. De là, il traversera les mers pendant 37 jours pour arriver à Anvers, en Belgique début septembre. Car si les personnes sont interdites de traverser les frontières, les marchandises, elles le peuvent.

C’est Axel, l’allemand confiné avec nous, ici dans la ferme agroforestière de Mollesnejta, qui avait pensé à cette solution il y a quelques mois déjà. Mais nous n’étions pas prêts. Reprendre la route nous semblait être encore une belle promesse. Force est de constater que la situation n’évolue guère. Confinement. Confinement strict. Confinement dynamique. Confinement rigide. On n’en fini pas de confiner. Je confine, tu confines, il confine,….et on refait un tour sans passer par la case départ. Heureusement nous avons ces bouffées d’air que sont les marchés, la musique de rue, les visites chez Inge, Sara, Karin.

A travers le marché de Quillacollo
Musicien au Marché de Quillacollo
8 juillet, sur le retour de Chez Sara

15 juillet. L’organisation du retour.

Après des heures de recherche de transporteurs, des devis à compléter, à faire préciser, dans ce marasme de taxes, de frais en tout genre, nous voilà avec 2 devis en main. Les allemands ont également deux propositions avec des transporteurs locaux moins chers. Ces dernières ne nous emballent pas. Elles manquent de précision. L’expérience de nos shippings précédents nous a appris à être exigeants et prudents. Trop de frais supplémentaires…Il faut donc faire le choix. Argumenter. Défendre ses critères. Pas facile avec un véhicule, alors avec deux… Nous avons réussi à convaincre le couple d’allemands pour faire confiance à Olivier et Rachida de la Société Wave Logistics., avec laquelle nous avions déjà shippé, de l’Afrique du Sud vers l’Uruguay.

Ensuite il faut trouver un vol. Il reste quelques possibilités. Des vols, plutôt rares, au départ commerciaux, sont transformés en vols humanitaires. Il faut ensuite faire partie des réseaux efficaces pour se trouver une place. Grâce aux groupes sur Facebook comme « Français en Bolivie », … les informations circulent. De fil en aiguille nous nous retrouvons dans un groupe de voyageurs ou d’anciens voyageurs, d’expats,…sur WhatsApp, «  Atrapados en Bolivia » (attrapés en Bolivie). Espagnols, boliviens, d’autres européens et sud américains se sont regroupés pour informer, demander, expliquer, partager, les démarches à suivre pour se positionner sur le prochain vol programmé, …

C’est ainsi que nous avons pu avoir l’information et les démarches à réaliser, même si c’est en espagnol (merci google translate) sur ce fameux vol retour Santa Cruz – Madrid du 29 juillet 2020. La gestion du groupe est une sacrée pagaille. Comme tout le monde peut répondre, il y a à boire et à manger. Informations fausses. Messages de détresse. Impatience. Peurs et coups de gueule partagées. Les créateurs du groupe, Robert et Fran, volontaires, en lien avec l’agence de voyage Aeromon Tour, chargée de vendre les billets, tentent de réguler le groupe autant que possible.

Une fois un message personnel reçu, nous avons 24h pour payer. Sinon les billets repartent vers d’autres bénéficiaires. Heureusement pour nous, le virement s’effectue entre banques européennes. Nous sommes dans les clous !

Il faut maintenant acheter les billets de Cochabamba et Santa Cruz, puis de Madrid à Paris. Hors de question de rester coincés en Espagne, en quarantaine.

21 juillet. Le départ de Fendi aura duré 3 jours

Pendant ce temps nous organisons notre shipping. Un premier, et en principe dernier,  RDV est fixé avec Andres, employé par la société de transport locale. Nous devons déposer Fendi à l’entrepôt près de Cochabamba le 21 juillet. Seulement le truck avec le container, venant de La Paz, a eu un problème technique. Il faut trouver un autre truck. Nous devons également nous rendre au centre de Cochabamba pour une formalité notariale. En principe il s’agit d’une simple signature pour autoriser la circulation de nos véhicules et surtout le passage à la frontière de la Bolivie au Chili, sans les propriétaires des véhicules.

Une fois rendu chez le notaire habilité, celui-ci ne travaille que le matin. Il est 12h et des poussières. Nous faisons une tentative chez un autre notaire. Une employée nous demande une authentification des photocopies des passeports et carte grise.

Andres pousse un soupir et nous lance : « Bienvenue en Bolivie !». Les papiers. « Et où trouve-t-on ce papier ? ». A l‘ambassade. Ici à Cochabamba ça sera chez le Consul honoraire Emmanuel Lung avec qui nous prenons tout de suite rendez-vous le lendemain à 9h. L’opération durera une heure. La matinée y passe. Il faut ensuite retourner chez le notaire le lendemain pour finaliser les papiers. Finalement le camion arrivera deux jours plus tard, le 23 juillet, au bout de 3 h d’attente.

J’avais emmené des carrés de tissus, des élastiques et des épingles pour monter les masques au cas où il y aurait de l’attente. Avec Stéphane, on en monte 30…Nous sommes garés dans la rue. Une femme avec sa fille vient nous voir pour nous demander d’où l’on vient, ce qu’on fait là ? Elles ont repérés les jolies couleurs des tissus d’Aguayo.
« ça coûte combien ? ». « C’est gratuit, en échange d’une photo avec les masques portés » avons nous l’habitude de répondre. Au marché de Combuyo, se sont les autres qui répondent maintenant à notre place. Ils connaissent la chanson.

Finalement les Defenders seront rangés et attachés dans leur habitacle provisoire de 45 pieds à la nuit tombée. Il est près de 19h lorsque l’opération s’achève.

Nous retrouvons Mollesnejta en taxi, sous le clair de lune, orphelins de Fendi.

Pendant toutes ces manœuvres  nous avons participé à l’opération : « Action contre la faim » (cf art.précédent). La semaine était mouvementée.

C’est d’ailleurs dans la matinée du 25 juillet, journée de distribution des colis alimentaires que nous apprenons que notre vol du 29 juillet est reporté à une date inconnue. Grosse grosse déception.
Nous assurons notre journée sans rien y laisser paraître. Le quotidien des boliviens nous rappelle à l’ordre et nous redonne le sens des priorités et nous permet de relativiser.

Le lendemain, nous nous rendons à l’aéroport de Cochabamba pour effectuer un report de notre billet Cochabamba-Santa Cruz. Le billet n’existe pas. Nous devons nous rendre au centre ville pour une demande de remboursement chez Amaszonas. Nous reprenons un autre vol chez BOA, cette fois-ci directement au guichet de l’aéroport.

Puis nous apprenons entre temps qu’il nous faut un certificat de bonne santé pour effectuer un vol national en Bolivie. Là encore, les informations divergent. Certains disent qu’il faut faire un test de Covid-19, d’autres diront qu’un simple certificat  médical suffit, d’autre nous diront : »Pas de certificat médical si pas de test du Covid effectué ».

Heureusement que nous devons passer au Centro de la Salud de Combuyo pour une remise de masques. Il faudra une heure pour obtenir ce certificat, la première fois. Nous repassons 6 jours plus tard pour refaire une demande du certificat médical à la date du jour, par mesure de précaution. Le certificat a une validité de 7 jours.

Lorsque nous prenons notre vol pour Santa Cruz le 30 juillet personne ne nous a réclamé de certificat. Il fallait juste remplir une attestation. Tout ça pour ça !
C’est en arrivant à Santa Cruz, nous connaissons enfin la date de notre prochain vol : le 3 août. Nous croisons les doigts pour que le vol ait lieu.

Nous quittons Mollesnejta sous un beau soleil. Il est près de 8h. Patricia, étudiante à Cochabamba, reprend le relais à la ferme qu’elle connaît bien. Remise des clés et transmissions. Maurizio, le mari de Karin est déjà là pour nous emmener à l’aéroport. Sur le chemin, un arrêt rapide chez Karin et Sara pour faire nos adieux.

Puis un dernier dîner partagé avec Pédro.

La veille, nous sommes passés chez Betty, ma couturière préférée, puis chez Sara, Carlos, Hazel et Jan, nos amis boliviens pour une dernière visite. Ils étaient prêts à nous inviter pour un Charque, plat typique de Cochabamba avec de la viande séchée de vache, du maïs grillé. Mais Stéphane m’appelle à la raison : « Il me reste deux heures d’arrosage et il nous faut préparer les affaires »…encore un peu et je disais oui à cette invite. Même si Sara m’affirme que la cuisson dure une heure. Nous savons que l’heure bolivienne n’est pas l’heure française. Multiplier par deux est peut être réaliste.
Nous nous excusons de ne pas pouvoir rester. La nappe blanche était déjà mise.

« Quoi de neuf de votre côté ? ». Nous apprenons que Sara, Carlos et un autre couple de la famille avec qui ils sont en affaire, ont des difficultés à obtenir des prêts pour acheter les terres et continuer leur projet de culture.

Stéphane s’informe du prix de la terre. 15 dollars du M2 !!! Enorme ! Lorsqu’un bolivien gagne en moyenne 400 dollars par mois. Cette somme paraît incroyable.

30 juillet. Notre départ pour Santa Cruz.

Nous prenons notre vol pour Santa Cruz dans un aéroport désert ou presque. Ambiance de fin de l’humanité.

Je crois que nous avons bien fait de nous rapprocher de Santa Cruz. Los Tiempos, le journal quotidien, annonce de futurs blocages. Les boliviens sont préoccupés et économiquement en difficulté. Le confinement n’arrange pas les choses puisqu’il repousse les prochaines élections au mois de septembre. Ce qui est loin de plaire aux boliviens.

L’avion pour Santa Cruz a du retard. Plus d’une heure. Nous avons appris à être patients. Le vol dure à peine 45 minutes. Nous trouvons refuge à l’hôtel Viru Viru, à 3 km de l’aéroport, dans une zone périphérique industrielle. L’établissement est désert. Les portes des chambres sont restées ouvertes. Des serviettes pliées sont posées sur les lits soigneusement préparés, en attente de visiteurs devenus de plus en plus rares par temps de Covid. Tout est vide. Drôle d’impression. Presque surnaturelle.

Santa Cruz de la Sierra, le charme de l’architecture coloniale

Dans le Trufi

Le lendemain nous partons en Trufi (taxi collectif) pour le centre de Santa Cruz.
Y a pas photo. En taxi la course nous coûterait 70 bolivanos, en trufi c’est 7 bolivanos.

Bien que ni l’un, ni l’autre ne sont trop recommandés par temps de Covid. Mais les engins sont équipés. Les sièges sont plastifiés, les voyageurs espacés d’un siège, le conducteur est séparé d’un rideau transparent et plastifié. Petite fente pour glisser les pièces pour la course.

Nous nous dirigeons vers la Plaza 24 de septiembre, joli cœur arboré de la ville. La Cathedrale, La Basilica Menor en briques roses est un édifice splendide. Plus loin le Museo de l’Independenzia, la maison du gouverneur, le parlement.

Gr de musiciens devant la Cathédrale de Santa Cruz 2
Gr de musiciens devant la Cathédrale de Santa Cruz 3

Santa Cruz, cœur commercial de la Bolivie et également la ville la plus peuplée avec ses 2,4 millions d’habitants. Elle est située dans les plaines tropicales, à l’est des Andes. La ville fût fondée au XVIème siècle par les espagnols, comme en témoigne son architecture coloniale.

Balade à travers la ville animée.

Le lendemain nous décidons de passer une nuit au centre, à l’hôtel Copacabana. Comme nous sommes le week-end la ville est morte. Les commerces ont l’obligation de fermer suite aux mesures prises pour lutter contre le Covid. Tous les commerces et marchés sont fermés. Si la ville battait son plein la veille, à présent tout est silencieux et désert. Où sont les boliviens ?

Jeune chanteur dans les rues de Santa Cruz

Allez plus que deux jours…Nous commençons à être impatients de rentrer. Heureusement nous trouvons de l’apaisement dans la musique locale.

Dimanche 2 août. Dernière journée en Bolivie.

Nous retournons vers notre Hôtel Viru Viru près de l’aéroport. Notre vol est prévu pour 15h. Nous voulons être aux premières loges. Nous y serons à 9h30.

Le check-in se fait à partir d’11h30. Une immense file d’attente meuble l’aéroport désert. Même les boutiques et cafés sont fermés, faute de clients. Les sacs sont reniflés par les chiens avant l’entrée dans l’avion. C’est peut être idiot mais j’ai refusé de prendre un sac d’une femme, suite à sa demande, pour lui éviter de payer des frais supplémentaires. Evitons un remake du fameux film de Midnight Express.

Encore deux heures à attendre. Je pense que nous réalisons vraiment le retour une fois installés dans l’avion et surtout avec nos pieds posés sur le sol français !

Le vol jusqu’à Madrid durera 10h30, sans plateau repas, sans télé et film. Nada ! Un simple sandwich et c’est déjà bien. Puis nous avons juste le temps de prendre un café et un croissant à l’aéroport de Madrid, avant de reprendre un avion pour Paris. Nous voulons faire une surprise à nos enfants…cette idée nous met en joie. Nous sommes si heureux de rentrer…Après Paris, Nantes, Quiberon, Quimper, Strasbourg, Anvers,….et ensuite on verra.


Dans le prochain article :

Comment allons nous vivre ce retour ? Quelles réactions les surprises vont-elles provoquées ? Quelles sont nos premières impressions et constats après cette longue absence ? Que nous reste-t-il ? Quelles sont les questions que l’on nous pose très souvent ?

16 réflexions sur “L’improbable retour en France

  1. Annick Van Roy

    Bonjour,

    Florence, ma fille, m’a parlé de vous, ses amis, ainsi j’ai pu suivre votre périple avec intérêt.
    J’habite tout près d’Angers, Ecouflant, si vous passez par là je serais heureuse de vous y accueillir.
    Nous avons une belle forêt et une plage; nous sommes situés au coeur des basses vallées angevines au bord de la Sarthe avec de l’autre côté l’île St Aubin.

    Bonne journée à vous !

    Annick

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  2. Gravouille Bernadette

    Émus de savoir que vous êtes rentrés en France, déjà depuis quelques semaines. Bons moments de retrouvailles avec vos proches..On pense bien à vous.
    Bravo pour cette belle aventure humaine

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  3. Dominique M

    Welcome back mais gare au « choc de civilisations » entre la douce France et la précarité des boliviens. Même en temps de covid19 « y en qui sont plus égaux que d’autres » disait Coluche…
    Contente de savoir que vous êtes parvenus à trouver un vol retour.

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  4. Ghirardello Myriam

    Coucou les amis
    INCROYABLE SURPRISE !!!!!
    Nous sommes enchantés de vous savoir revenus parmi nous. Nous avons lu avec gourmandise ( comme à chaque fois) votre récit sur ce périple pour rentrer, vous avez vraiment fait le bon choix.
    Tenez nous au courant et vous savez que vous êtes les bienvenus chez nous dès que vous aurez repris quelques marques et revu toute votre famille.
    On vous embrasse .
    Myriam et Pascal

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